Kalix était perdue. Fatiguée, nerveuse, incapable de se concentrer, perdue. Et maintenant il pleuvait. Le pas lourd, rue froide après rue gelée, elle avait arpenté la zone à la recherche du hangar où elle avait provisoirement élu domicile, mais toutes ces rues se ressemblaient et elle commençait à désespérer.
La pluie glaciale ne mit pas longtemps à détremper complètement sa chevelure dont les mèches longues, épaisses et dégoulinantes venaient battre contre ses hanches osseuses. Kalix était maigre, fine comme du papier à cigarette, pas une once de gras pour dénoncer ses dix-sept ans d'existence: une loup-garou sans appétit. Combien sa famille avait pu détester ça. Sa mère passait son temps à la supplier, à l'implorer de manger. Jusqu'à l'an dernier, lorsque Kalix avait attaqué son père, le seigneur des loups-garous, Thane de son titre exact. Désormais sa mère avait des soucis autrement plus importants que le manque d'appétit de sa fille, son caractère violent, ou ses addictions, ou sa folie.
Kalix ne s'était jamais coupé les cheveux et ils lui arrivaient sous la taille. La pluie aidant, sa chevelure plaquée laissait entrevoir ses oreilles. Même lorsque, comme maintenant, elle déambulait sous sa forme humaine, ce n'étaient pas des oreilles normales. Leur forme évoquait plutôt des oreilles de loup, naturellement.
Kalix s'arrêta et renifla. Les chasseurs s'étaient-ils rapprochés? Difficile à dire. Ses sens étaient engourdis. Elle accéléra le pas. Si les chasseurs lui mettaient la main dessus, dans son état de faiblesse, ils n'auraient aucun mal à la tuer. Kalix se demanda ce que ça faisait d'être morte. C'était forcément agréable. Bien plus que de vivre dans un hangar abandonné, à mendier de l'argent pour alimenter son addiction. Quel dommage qu'elle n'ait pas réussi à tuer son père. Car alors, pensa-t-elle, elle aurait pu mourir heureuse.