SCÈNE I

NOTRE PAPILLON aux petites ailes diaphanes dormait avec sa famille, sa femme et leurs deux enfants, au creux d'un nid de soie blotti dans la verdure de petites branches. La maman papillon et les enfants, un petit garçon et une petite fille, avaient, eux aussi, de petites ailes diaphanes. Le silence régnait, et leur amie la luciole brisait par sa lumière l'obscurité pour que les petits ne s'effraient pas au cas où ils se réveilleraient.
Perché sur le cyprès d'en face, leur voisin le coucou appelait sa compagne, qui l'avait abandonnée depuis plusieurs jours. Il était inconsolable. Il l'appelait du crépuscule à l'aurore. Le rythme monotone de son appel ne gênait plus les papillons. Au contraire, il berçait les enfants, et les parents.
La nuit était au milieu de sa course, et toute la famille plongeait dans les ondes d'un sommeil lumineux. Notre papillon diaphane vit apparaître en rêve deux grands papillons aux ailes multicolores, immenses et magnifiques, qui se tenaient silencieux devant lui. Ils l'observaient de près, et leurs corps brillaient comme celui de la luciole.
- Qui êtes-vous? leur demanda notre papillon diaphane.
Les deux papillons remuèrent légèrement leurs grandes ailes multicolores, sans lui répondre.
- Comment vous appelez-vous?
L'un des papillons, aux ailes légèrement plus petites, allait dire quelque chose, mais l'autre lui couvrit la bouche de son aile. C'est alors qu'il les reconnut.
- Maman, papa...
Le coeur du papillon diaphane se remplit d'émotion.
- Maman, papa, où êtes-vous que je vous rejoigne?
- Oh! mon petit garçon...
- Arrête, dit le père à sa femme, nous n'avons pas de temps pour cela.
Alors le papillon aux ailes diaphanes s'écria: «Comme vous avez changé tous les deux!»
- C'est ce qui arrive d'habitude après, répondit le père.
- Après? Pourquoi mes ailes sont-elles encore transparentes?
(...)